La crise sanitaire que nous traversons actuellement a largement bouleversé la vie de l’ensemble des Français tant dans leur vie personnelle que professionnelle.
Les professionnels du Droit sont très régulièrement sollicités pour répondre à un certain nombre d’interrogations s’agissant des baux d’habitation.
À ce titre, si aucune mesure n’a été prise spécifiquement s’agissant du contrat de bail d’habitation soumise aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, les ordonnances et décrets spécifiques adoptés pour répondre à l’État d’Urgence Sanitaire entraînent pour autant des effets sur les baux.
C’est notamment le cas pour l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais, qui entraîne un certain nombre de conséquences s’agissant de la fin du bail d’habitation.
Cette ordonnance a été complétée par une nouvelle ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, apportant quelques modifications et précisions applicables à la matière.
Globalement, ces dispositions prévoient un report d’effet de certains actes et clauses qui devaient prendre effet pendant une période juridiquement protégée fixée pour l’heure du 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (fin de l’État d’Urgence Sanitaire fixée au 24 mai 2020 + 1 mois).
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de traiter ces problématiques spécifiques en étudiant tout d’abord l’impact de ces dispositions sur les causes de résiliation du bail (I) puis sur les conséquences pratiques d’une telle résiliation (II).
Bien entendu, cette étude n’est le résultat que d’une lecture croisée des dispositions actuellement en vigueur : elle pourra être amenée à évoluer si de nouvelles ordonnances seraient adoptées.
La fin de bail peut survenir du fait de la délivrance d’un congé (A), ou bien par un manquement de l’une des parties, et notamment du locataire entrainant l’acquisition d’une clause résolutoire (B). Or, les textes adoptés en période de crise sanitaire vont nécessairement impacter la mise en œuvre de ces différentes causes de fin de bail.
Dans cette hypothèse, l’on rappellera que le locataire peut donner congé à son bailleur pour quitter le logement à tout moment, sauf à respecter la durée de préavis imposée par la loi (1 mois ou 3 mois, suivant la situation du bail ou du logement).
En pratique, le locataire peut délivrer congé soit en procédant à une remise en main propre à son bailleur contre récépissé, soit par l’envoi d’une Lettre Recommandée avec Avis de Réception (article 15 de la loi du 6 juillet 1989).
Toutefois, s’agissant de la forme du congé, la période actuelle peut être source de difficulté dans ces hypothèses, puisque le respect des mesures de confinement et les gestes barrières peuvent constituer des obstacles à une remise en main propre.
Il en va de même s’agissant de l’envoi d’un courrier recommandé, dans la mesure où les services postaux sont largement désorganisés du fait de la période. D’autant qu’il ressort des dispositions de l’article 668 du Code de procédure civile, repris par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, que le congé notifié par courrier recommandé ne prend effet qu’à compter de la date de réception par son destinataire.
Dès lors, le locataire souhaitant procéder à la délivrance d’un congé pendant la période de confinement (et plus généralement pendant la période juridiquement protégée) optera, par sécurité, pour le recours à l’Huissier de Justice, qui pourra signifier un congé pouvant produire ses pleins effets à destination du bailleur.
En effet, par cette formalité, le locataire prendra date certaine et s’affranchira de toute complication ou contestation tant du congé que de sa date de prise d’effet.
S’agissant des délais, dans la mesure où l’envoi d’un congé suffit à résilier le contrat de bail, à l’issue du délai de préavis, aucune prorogation telle que visée dans l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ne saurait être mise en œuvre puisque le congé n’ouvre pas droit à une action spécifique pour poursuivre la résiliation du bail.
En toute hypothèse, si un bailleur souhaitait contester le congé délivré par le locataire (soit une hypothèse d’école en pratique ...), cette action n’est enfermée dans aucun délai spécifique autre que la prescription triennale prévue par l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989.
Aucune prorogation ne saurait donc s’appliquer sur le congé donné par le locataire en lui-même.
S’agissant du congé délivré par le bailleur à son locataire, l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit également que celui-ci peut être remis en main propre contre récépissé, par courrier recommandé avec avis de réception ou par exploit d’Huissier.
Là encore, la remise en main propre peut être rendue difficile du fait de la période de confinement et du respect strict des gestes barrières.
Il nous semble également dangereux de procéder à la notification d’un congé par envoi d’un courrier recommandé avec avis de réception, celui-ci ne prenant effet qu’à la date de réception effective par le locataire, date qui semble très aléatoire du fait d’un service postal allégé.
D’autant que le seul avis de présentation ne peut valoir notification selon une jurisprudence constante.
La solution la plus protectrice nous semble donc être le recours à l’Huissier de Justice pour toute signification de congé.
Les enjeux sont importants, puisqu’une notification tardive ne peut entraîner la résiliation du bail, lequel sera ainsi nécessairement reconduit pour une durée équivalente à celle du bail initial.
En outre, le congé doit ici être strictement motivé par la décision de vendre le bien, de le reprendre pour son usage personnel ou celui d’un membre de la famille du bailleur ou pour tout autre motif légitime et sérieux.
Mais cette faculté de résiliation n’est pas ouverte à n’importe quelle époque d’exécution du contrat de bail, puisqu’ici le congé doit être délivré pour la fin du bail en respectant un préavis de 6 mois.
Hypothèse 1 : un bail est conclu le 1er avril 2017 entre 2 personnes physiques, ou par une SCI familiale. Le bail prendra fin à l’issue de la période de 3 ans, soit le 31 mars 2020. Dans cette hypothèse, le congé doit être adressé au locataire au plus tard le 30 septembre 2019. (Si le bailleur est une personne morale, autre qu’une SCI familiale, le contrat de bail porte sur une durée de 6 ans).
Hypothèse 2 : un bail est conclu le 1er avril 2014 entre 2 personnes physiques, ou par une SCI familiale. Le bail prendra fin à l’issue de la période de 3 ans, soit le 31 mars 2017. Toutefois, aucun congé n’a été délivré si bien que le bail a été tacitement reconduit pour une nouvelle période de 3 ans, soit jusqu’au 31 mars 2020. Là encore, le congé doit être adressé au locataire au plus tard le 30 septembre 2019 (soit 6 mois avant la fin du contrat de bail tacitement reconduit).
Enfin, la question qui se pose au regard de la crise sanitaire du Covid-19 est l’articulation entre les textes relatifs à la délivrance du congé par le bailleur et les éventuelles prorogations des délais relatives aux actes de procédure.
Doit-on nécessairement proroger les effets des congés ? La situation dépend de savoir si le congé doit prendre effet ou doit être délivré pendant la période protégée. Quelques exemples pour mieux comprendre.
Hypothèse 1 : le congé est délivré 6 mois avant l’expiration du bail et doit produire effet pendant la période protégée (soit du 12 mars 2020 au 24 juin 2020).
Nous sommes ici dans la même situation que celle décrite plus haut s’agissant du congé délivré par le locataire.
Ce congé entraîne de plein droit la résiliation du contrat de bail, sans aucune prorogation applicable suivant les dispositions de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, puisque la date contractuelle de fin de bail ne varie pas.
Les parties ont alors la possibilité soit de contester le congé, soit d’en obtenir l’exécution forcée par une validation judiciaire de celui-ci, dans les conditions de droit commun.
Hypothèse 2 : un congé doit être délivré pendant la période protégée pour produire effet 6 mois plus tard.
Par exemple, un bail conclu le 1er novembre 2017 prendra fin le 31 octobre 2020. Ainsi, le bailleur doit notifier un congé au plus tard le 30 avril 2020, soit pendant la période protégée.
Le bailleur peut parfaitement procéder à la délivrance de ce congé (par le moyen de son choix), en temps et en heure. Dans ce cas, le congé est parfaitement valable et produira pleinement ses effets pour une fin de bail au 31 octobre.
Cependant, si le bailleur ne peut faire délivrer le congé avant le 30 avril, en application des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, le délai pour délivrer congé est prorogé de 2 mois après la fin de la période juridiquement protégée.
Toutefois, rappelons que cette ordonnance ne modifie pas pour autant la date de fin de bail prévu contractuellement. Ainsi, en cas de délivrance d’un congé postérieur au 30 avril 2020, alors que le bail expirerait au 31 octobre 2020, le congé sera réputé avoir été fait dans les temps quand bien même il ne respecterait pas ce préavis de 6 mois.
Or, rappelons également que le préavis de 6 mois entre la notification du congé et la résiliation du bail constitue une disposition d’ordre public protégeant les intérêts du locataire.
Comment concilier ces deux textes a priori incompatibles ?
Il semblerait que les effets du congé délivré dans ces conditions devront être reportés, même au-delà de la date de résiliation du contrat de bail (fixé contractuellement), pour respecter le délai de préavis de 6 mois.
Ainsi, si l’on reprend notre exemple : le congé devant initialement être délivré avant le 30 avril n’est finalement notifié au locataire qu’en date du 2 juin 2020. En application des dispositions de l’ordonnance précitée, le congé est tout de même valable même s’il ne respecte pas le délai préavis de 6 mois. Toutefois, la date indiquée dans le congé devra bien être celle du 31 octobre 2020 (date contractuelle de fin de bail), mais les effets du congé seront reportés au 2 décembre 2020 (soit 6 mois après la date de notification du congé).
Dans cette hypothèse, la date de départ du locataire ne correspondra pas à la date de résiliation du contrat de bail.
Ainsi en pratique, le bailleur ne pourra éventuellement demander la validation de son congé qu’au-delà de cette période de 6 mois faisant suite à la délivrance du congé, soit dans notre exemple à compter du 3 décembre 2020.
Quant au locataire, quand bien même le bail serait résilié, il devra en respecter l’ensemble des stipulations et notamment jouir paisiblement du logement et procéder au paiement régulier du loyer puis de l’indemnité d’occupation courant de la résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux.
Bien entendu, la date du 2 décembre 2020 ne constitue dans notre exemple qu’une date limite de départ pour le locataire ; celui-ci peut parfaitement décider de libérer le logement avant, mettant ainsi fin à ses obligations et notamment celle de s’acquitter d’une indemnité d’occupation.
L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 prévoie notamment la possibilité aux professionnels de bénéficier d’une suspension des loyers ainsi que des factures d’eau, de gaz ou d’électricité.
Toutefois, il est très clair que cette disposition de faveur n’est absolument pas applicable aux baux d’habitation, dans la mesure où les locataires ne peuvent être considérés en leur éventuelle qualité de professionnels.
Il nous est également d’avis qu’aucune disposition de droit commun, tels que la force majeure ou l’imprévision ne saurait remettre en cause l’obligation première du locataire de s’acquitter du paiement courant des loyers et charges telles qu’il en résulte de l’article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989.
Par conséquent, le locataire ne peut imposer du seul fait de la crise sanitaire liée au Covid-19 une suppression ou un report d’une ou plusieurs échéances de loyer.
Tout manquement à l’obligation de paiement du loyer ne pourra donc que caractériser un manquement du locataire à ses obligations contractuelles tirées du contrat de bail, laquelle pourra être sanctionnée par sa condamnation à l’arriéré de loyer et charges outre la résiliation du contrat de bail.
Si l’absence de paiement régulier des loyers et charges demeurent une faute contractuelle, les circonstances actuelles peuvent constituer un obstacle à la mise en œuvre des sanctions applicables.
En effet, il faut tout d’abord noter que la trêve hivernale, prenant habituellement fin au 31 mars permettant dès lors la mise en œuvre d’expulsion dès le 1er avril, a fait l’objet d’un report au 31 mai 2020.
En outre, le fonctionnement des juridictions est largement perturbé du fait de la période de confinement, si bien qu’aucune audience relative aux baux d’habitation ne se tient jusqu’à nouvel ordre.
Dès lors, aucune procédure ne peut être menée à son terme pendant cette période.
Enfin, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoyant une prorogation des délais de procédure entraîne nécessairement des effets sur l’acquisition des éventuelles clauses résolutoires insérées dans les contrats de baux d’habitation.
Ces dispositions ont déjà fait l’objet de complément et de modifications par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020.
Pour rappel, la clause résolutoire est une clause du bail permettant la résiliation automatique du bail en cas de non règlement des loyers et charges dans le délai de 2 mois suivants la signification d’un commandement de payer délivré par Huissier de Justice (article 24 de la loi du 6 juillet 1989).
En effet, il ressort de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 que les clauses résolutoires sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effets, si ce délai a expiré pendant la période s’écoulant du 12 mars au 24 juin 2020.
L’alinéa 2 de cet article 4 modifié par l’ordonnance du 15 avril 2020, prévoit désormais notamment que :
« Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. »
Pour mieux comprendre ces dispositions, envisageons 3 situations pratiques.
Hypothèse 1 : un commandement de payer les loyers et charges visant la clause résolutoire est signifié par Huissier avant la période de confinement et doit prendre effet (2 mois plus tard) entre le 12 mars et le 24 juin.
Dans cette hypothèse, les effets du commandement de payer, devant survenir normalement 2 mois après la date de signification par Huissier, vont faire l’objet d’une suspension pendant la période juridiquement protégée.
Par exemple, un commandement de payer visant la clause résolutoire est signifié le 1er mars 2020. Il devait donc produire ses effets à défaut de régularisation le 1er mai 2020.
Or, par application des dispositions précitées, il faut calculer le délai restant entre le 12 mars et le 1er mai, soit 51 jours.
Ce délai sera donc reporté à compter de la fin de la période protégée, soit après le 24 juin 2020.
Ainsi, le locataire dispose d’un délai supplémentaire pour régulariser sa situation : il pourra payer l’arriéré du loyer jusqu’au vendredi 14 août 2020.
À défaut, le bailleur pourra poursuivre son action en expulsion en saisissant le Tribunal à compter du lundi 17 août 2020.
Hypothèse 2 : un commandement de payer les loyers et charges visant la clause résolutoire est signifié par Huissier pendant la période de confinement mais doit expirer pendant la période protégée, c’est-à-dire avant le 24 juin 2020.
En pratique, ce commandement devra donc avoir été signifié entre le 12 mars et le 24 avril 2020.
Dans cette hypothèse, les effets du commandement de payer, devant normalement survenir 2 mois après la date de signification par Huissier, seront intégralement reportés après la fin de la période protégée, pour produire effets à compter du 25 août 2020.
Ainsi, le locataire dispose toujours d’un délai supplémentaire pour régulariser sa situation, en pouvant payer jusqu’au 24 août 2020.
Conformément à la situation précédente, ce n’est qu’à compter du 25 août 2020 que le bailleur pourra poursuivre son action en expulsion en saisissant le Tribunal.
Hypothèse 3 : un commandement de payer les loyers et charges visant la clause résolutoire est signifié par Huissier pendant la période de confinement mais doit expirer après la fin de la période protégée, c’est-à-dire à compter du 25 juin 2020.
En pratique, ce commandement devra donc avoir été signifié à compter du 25 avril 2020, pour produire ses effets à compter du 25 juin 2020.
Dans cette hypothèse, aucune prorogation ne saurait être applicable au regard des dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.
Ainsi, par exemple, un commandement est signifié le 4 mai 2020. Il produira ainsi effets 2 mois plus tard, à défaut de régularisation dans ce délai par le locataire, soit à compter du 5 juillet 2020.
Dans ce cas, le bailleur pourra solliciter la résiliation du bail expulsion de son locataire auprès du Tribunal à compter du lundi 6 juillet suivant (le 5 juillet étant un dimanche).
Ainsi, en pratique, il devient inutile de procéder à la signification de commandements d’avoir à payer les loyers avant le 24 avril 2020 ; il vaut donc mieux attendre quelques jours pour ne pas entrer dans une suspension des délais amenant à reporter les effets de la clause au-delà du 25 août 2020.
Les textes relatifs à la crise sanitaire peuvent avoir des répercussions sur les conséquences pratiques de la fin du bail, et notamment sur les modalités de tenue d’état des lieux de sortie et de remise des clés (A), ainsi que sur la restitution du dépôt de garantie (B).
La période de confinement est la source d’importantes difficultés quant à la tenue régulière des états des lieux de sortie.
En effet, pour les locataires, cette période n’est pas propice aux déménagements, bien que ces derniers ne soient pas strictement interdits par les dispositions en vigueur.
Toutefois, il est possible que certains déménagements aient eu lieu avant le 12 mars 2020, ou aient pu se tenir régulièrement pendant la période de confinement en respectant les consignes sanitaires, si bien que se pose la question de l’organisation d’un état des lieux de sortie contradictoire entre les parties au bail.
Notamment, il est très fréquent que les agences de gestion locative, ayant suspendu toute mission auprès du public notamment par la mise en place de mesures de chômage partiel ou de télétravail auprès de leurs salariés, annulent purement et simplement les états des lieux initialement programmés.
Certaines agences n’ont alors pas hésité à proposer (ou imposer) la tenue d’état des lieux de sortie contradictoire à l’issue de la période de confinement.
En conséquence, à défaut d’état des lieux, aucune remise des clés ne pouvait avoir lieu si bien qu’il était imposé au locataire de continuer à s’acquitter d’une indemnité d’occupation jusqu’à la restitution du logement.
Cette solution était bien entendue intenable pour bon nombre de locataires, ne pouvant assumer à la fois le loyer du nouveau logement (ou le remboursement d’un crédit) outre le versement d’une indemnité d’occupation sur l’ancien logement.
Il nous paraît également extrêmement dangereux de procéder à une restitution des clés sans procéder à un état des lieux de sortie contradictoire.
Rappelons effectivement qu’à défaut d’état des lieux de sortie réalisé, il n’existe aucun moyen de preuve s’agissant de l’état du logement lors de la restitution des clés. Cela constitue donc un risque important tant pour le locataire que pour le bailleur en cas de contentieux sur des éventuelles demandes de réparations locatives.
Ainsi, les solutions proposées ou imposées par les agences immobilières ne nous semblent pas acceptables en l’état.
Ainsi, en cas de refus des agences de gestion locative ou de l’une des parties au contrat de bail pour la tenue régulière d’un état des lieux de sortie contradictoire emportant remise des clés, il existe des solutions pour que chacun puisse faire valoir ses droits.
Cette solution réside notamment dans le recours à l’Huissier de Justice, lequel peut lui-même procéder à l’état des lieux de sortie par l’établissement d’un procès-verbal de constat sur demande de l’une ou de l’ensemble des parties.
Il peut également recueillir les clés du logement qu’il restituera ensuite auprès du bailleur.
Le coût de la mission de l’Huissier de Justice pourra, selon les cas, être supporté par les deux parties au contrat.
Une première difficulté réside dans la détermination du montant restituable à l’issue du bail.
En effet, une fois le constat d’état des lieux de sortie réalisé et les clés restituées, si celui-ci fait apparaître des dégradations locatives imputables au locataire, encore faut-il déterminer le montant des réparations au besoin par l’intervention d’un ou plusieurs artisans.
Or, la période de confinement peut être source de difficultés pour trouver un artisan disponible et acceptant une telle mission.
Toutefois, il nous semble qu’aucune disposition de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne trouve à s’appliquer dans cette situation.
Il est donc de la responsabilité du propriétaire bailleur que de prendre les devants en contactant rapidement des artisans afin de trouver quelqu’un de disponible pour réaliser un devis de reprise des désordres, si le comparatif des états des lieux d’entrée et de sortie en fait apparaître.
En effet, il conviendra d’obtenir rapidement un devis pour respecter les délais de restitution impartis par la loi du 6 juillet 1989.
Il ressort des dispositions de l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 que le propriétaire bailleur dispose d’un délai d’un mois pour restituer le dépôt de garantie (injustement appelé la caution), en cas d’état des lieux de sortie conforme à l’état des lieux d’entrée ; de deux mois si l’état des lieux de sortie fait apparaître certaines dégradations imputables au locataire.
Or, ce délai ne semble pas pouvoir faire l’objet d’une quelconque prorogation puisqu’il n’entre pas, selon nous, dans les cas de figure visés par les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.
D’autant qu’il s’agit là d’un délai d’ordre public résultant de la loi du 6 juillet 1989.
Or, bon nombre d’agences immobilières de gestion locative indique d’ores et déjà au locataire qu’aucun dépôt de garantie ne serait restitué avant la fin de la période protégée.
Il nous semble qu’il s’agit là d’une pratique totalement illégale, et particulièrement dangereuse tant pour le locataire que pour le bailleur.
En effet, le locataire se voit privé d’une somme d’argent lui revenant de plein droit et dont il peut parfaitement réclamer le paiement à l’issue des délais légalement impartis.
Pour le bailleur, la non restitution d’un dépôt de garantie dans le délai légalement imparti est sanctionnée sur le plan pécuniaire : le bailleur pourra être condamné dans cette hypothèse au versement d’un intérêt égal à 10 % du montant du dépôt de garantie par mois de retard.
Nous ne pouvons donc qu’encourager les locataires et bailleur à veiller aux stricts respects des délais de restitution de dépôt de garantie notamment par les agences immobilières de gestion locative, lesquels ne sauraient se réfugier derrière la situation sanitaire exceptionnelle que nous traversons.
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